Ceci n’est qu’une légende latine mais elle vaut le coup d'être racontée:
Déjà Prométhée, un Titan ingénieux, avait façonné l’homme avec de la bout et de l’eau. Les hommes s’étaient multipliés à la surface de la terre. Les hommes et les dieux vivaient bien. Les hommes étaient pieux et honnête jusqu’au jour où ils deviennent méchants, tueur et plus pieux du tout, ils ne sacrifier plus d’animaux sur l’autel des dieux, ne prier plus.
En voyant cela Zeus entra dans une terrible colère. Il convoqua dieux, déesses, dieux et déesses mineurs. Ils arrivèrent en masse. Ils prient place dans la salle de marbre devant le trône de leur souverain. Il leur dit:
« Je veux détruire la race des humains. Ils ont commis trop de crimes. Je les savais malhonnête et méchants. Leur mauvaise réputation était parvenue jusqu’à mes oreilles. J’ai voulu en avoir le cœur net. Sous un déguisement, je suis descendu parmi eux. Ce que j’ai vu dépasse de loin ce qu’on pouvait imaginer. Je les ferai tous disparaître. Je le jure sur le Styx. »
Le serment par le Styx est le plus redoutable: personne, même le maître du monde ne peut s’en dédire.
Un frisson parcourut l’assemblé des dieux. Si certains approuvaient pleinement leur souverain, d’autres s’inquiétaient à l’idée de la disparition des hommes.
« Qui viendra nous honorer et faire brûler l’encens sur nos autels, quand il n’y aura plus au monde que des animaux sauvages? Demandèrent-ils
-Je prend l’entière responsabilité de cette affaire, affirma Zeus . Je vous promet qu’une nouvelle race d’hommes renaîtra bientôt, miraculeusement, et repeuplera la terre. »
Le maître des dieux se préparait à lancer sa foudre sur les mortels, mais il craignit de faire flamber l’univers tous entier et reposa son arme à ses côtés. Il décida d’anéantir les hommes non par le feu , mais par l’eau.
Il enferma l’Aquilon, le vent capable d’écarter les nuages, et, libera le Notus, le vent du sud qui amène la pluie. Le Notus lève son visage effrayant, aussi sombre que la poix. Il déploie ses ailes, il secoue sa barbe blanche, ses cheveux ruisselants. D’une main, il presse le ventre des nues, et des cataractes se déversent. Aussitôt Iris, la messagère des dieux à la robe arc-en-ciel, aspire l’eau pour en nourrir les nuages. Sur terres, les moissons noyées sont perdues et les paysans se désolent.
Mais cela ne suffit pas à Zeus. Il demanda de l’aide à son frère, Poséidon , qui accourt du fond de l’océan. Celui-ci appelle les fleuves, ses sujets, et leur donne ses ordres.
« Libérez-vous, sortez de votre lit, rompez vos digues, déchaîner votre violence. »
Les fleuves obéissent. Tandis que le dieu des eaux frappe de son trident la terre qui se crevasse, ils roulent leurs flots furieux vers la mer, entraînant tout sur leur passage, hommes, arbres, animaux, maisons, même les temples, demeures sacrées des dieux.
Les humains d’abord se réfugient au sommet des collines ou dans des barques, naviguant au-dessus de ce qui était leur champ de blé, leur vigne, leur ferme. Des poissons perchent dans les arbres, là où broutaient des chèvres jouent des phoques, des dauphins sautent dans les branches des chênes. L’eau monte encore, recouvre les toits, les tours les plus hautes. Ses remous entraînent des loups avec des brebis, des lions, des tigres, des cerfs, des sangliers. Les oiseaux volent longtemps et, ne sachant où se poser, tombent. Tous les êtres vivants que la noyade a épargnés finissent par mourir de faim.
La terre entière est recouverte par une immense étendue d’eau sans rivages, clapotant jusqu’à l’horizon. Seul émerge le double sommet du mont Parnasse. C’est là qu’échoue la pauvre barque de Prométhée, le Titan qui avait modelé les hommes, au commencement du monde. Pyrrha était à la fois son épouse et sa cousine germaine. On ne pouvait trouver homme plus vertueux, ni femme plus respectueuse envers les dieux.
A peine eurent-il abordé sur les pentes du mont Parnasse qu’ils se mirent à prier les nymphes habitant ces lieux et la déesses Thémis , qui rendait alors en ce lieu des oracles.
Zeus remarque ces deux justes, seuls survivants parmi les milliers de morts, au milieu de la plaine.
Alors il délivre l’Aquilon, repousse les nuages, fend le rideau de pluie. Dans l’océan, Poséidon dépose son trident. Il appelle Triton, le dieu azuré, couleur d’eau, aux épaules couvertes de coquillages. Triton surgit, une conque à la main. Il la porte à sa bouche et souffle longuement, comme dans une trompe.
Au son, les fleuves se rangent, les eaux baissent , la mer retrouve ses rivages. Des collines réapparaissent, ainsi que des forêts aux branches dépouillées, couvertes de boue.
La terre retrouve sa forme première, mais elle est dévasté, déserte, silencieuse. Les yeux de Deucalion se remplissent de larmes.
« Nous sommes seuls au monde, ma chère épouse, et la terreur est toujours dans mon âme. Que serais-tu devenue sans moi? Et moi , si tu avais disparu? Je t’aurais suivie dans les flots… Oh! Si seulement je pouvais repeupler la terre et façonner des hommes, comme mon père l’a fait au commencement du monde! »
Tous deux pleurent. Ils supplient la déesse Thémis , qui demeure dans son temple en ruine, de bien vouloir les aider et les éclairer en rendant un oracles. Ils se purifient, selon les rites prescrits, dans les flots boueux de la rivière proche, mouillent leur tête et leurs vêtements, entrent dans le sanctuaire, sali par la mousse, et se prosternent devant l’autel, ou ne brûle plus aucun feu.
Thémis a pitié d’eux.
« Quittez le temple, leur dit-elle. Couvrez votre tête, dénouez votre ceinture et jetez derrière vous les os de votre grande mère. »
Deucalion et Pyrrha restent longtemps muets de stupéfaction. La première, Pyrrha prend parole, d’une voie tremblante:
« Non…Je ne peux pas suivre le conseil de l’oracle… J’aurais peur d’offenser l’ombre de ma mère morte. »
Deucalion ne répond pas. Il réfléchit. Enfin il rassure sa femme:
« L’oracle ne nous demande pas de commettre un sacrilège. Notre grande mère, c’est la terre; ses os, ce sont les pierres que nous devons jeter derrière nous. Essayons. »
Ils essaient et voici que les pierres qu’ils lancent dans leur dos, en tombant, s’amollissent, se gonflent, prennent une vague forme humaine, telles des ébauches de statues.
Les parties humides deviennent chair; les parties dures, squelette; les veines de la roche restent des veines. Derrière Deucalion naissent des hommes et Pyrrha, des femmes.
Race nouvelle des humains, qui est encore aujourd’hui la nôtre, résistante au travail, dure à la peine, puisqu’ elle a la force des pierres
(livre I) Extrait des métamorphoses d’Ovide